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DOSSIERS DE
  BIODIVERSITÉ

Les indicateurs de la biodiversité
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Indicateurs de la biodiversité

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Nous avons vu que le concept de biodiversité est vaste et englobe plusieurs niveaux de diversité qui se décomposent chacun en deux composantes. Cette partie est consacrée à une discussion autour des indicateurs de biodiversité couramment utilisés et de leur limite à bien décrire la biodiversité.

Accès rapide :

- Le but des indicateurs de biodiversité
- La richesse spécifique
- L'abondance d'espèces indicatrices
- La taille de la population humaine
- Les indicateurs composites

1. Le but des indicateurs de biodiversité

Les indicateurs de biodiversité ont un double but : quantifier la « qualité » et la « quantité » de la biodiversité d'une région en étant à la fois compréhensibles et pertinents pour les acteurs politiques et d'autre part suffisamment « honnêtes » dans leurs approximations au niveau scientifique. Ils doivent pouvoir donner une vue synthétique d'un ensemble de données complexes sans les trahir.

Néanmoins toutes les échelles de biodiversité ne sont pas toujours intéressantes pour quelqu'un se préoccupant de biodiversité. Il est important de noter que selon les échelles mises en jeu, les indicateurs utilisés ne doivent pas être les mêmes. Un gestionnaire forestier n'a pas les mêmes besoins qu'un haut-fonctionnaire ministériel. Pourtant les deux peuvent se soucier de suivre l'impact des mesures qu'ils prennent sur la gestion de la forêt ou du territoire dans son ensemble. Un bon indicateur doit aussi pouvoir être calculé facilement.



2. La richesse spécifique

La richesse spécifique est le plus simple indicateur de « biodiversité » que l'on peut imaginer. Pourtant son estimation est assez ardue à cause de l'existence d'espèces rares. Son calcul nécessite donc des modèles permettant d'inférer la richesse en espèces « non-observées mais bien existantes » à partir des données sur les espèces observées dans l'échantillon. Le calcul pose problème dans les cas des écosystèmes très riches en espèces rares telle que les forêts tropicales : en agrandissant toujours l'aire d’échantillonnage utilisée pour la mesure de la diversité a, le nombre d'espèces rencontrées ne plafonne jamais. Autrement dit, on découvre toujours des espèces nouvelles même en échantillonnant sur des surfaces considérables.

Plusieurs méthodes ont été proposées pour estimer cet indicateur à partir des mesures de diversité.

- La première consiste faire une extrapolation à partir de la courbe du nombre d'espèces observées dans l'échantillon en fonction de la surface échantillonnée. Des travaux théoriques ont montré que cette courbe devait suivre la loi de puissance N~ c.Az ou N est le nombre d'espèce, A est l'aire de la surface échantillonnée ; c et z sont deux constantes. Il a été montré que z=0.25. La valeur de c dépend de la richesse de l'écosystème. Plus l'écosystème est riche, plus c est grand. Des travaux empiriques ont permis de raffiner le modèle en prenant un coefficient c(A), dépendant de l'aire A selon la loi c(A)= c0. exp(-k.A) où k est une constante.

- La seconde méthode utilisée pour calculer la richesse spécifique d'une région se base sur une théorie probabiliste. On suppose que la distribution des fréquences des espèces suit une certaine loi de probabilité (exponentielle par exemple). Les paramètres de la loi sont calculés de façon à expliquer le mieux les données (méthode du maximum de vraisemblance). Une fois le paramètre calculé à partir des probabilités d'observer 1,2, ...n occurrences d'une espèce, on calcule la probabilité d'observer 0 occurrence. On en tire le nombre d'espèces non-observées dans l'échantillon.

- La troisième méthode consiste à calculer p(0 occurrence) à partir de p(1 ou 2 occurrences). Mais à la différence de la méthode précédente, celle-ci ne fait aucune hypothèse sur la loi de répartition des fréquences.

L'indicateur de biodiversité « richesse spécifique » présente l'avantage d'être très parlant. Cependant il présente au moins trois inconvénients majeurs : tout d'abord, il n'est pas aisé à calculer car nécessite des modèles qui permettent de déduire des données la richesse spécifique « cachée ». D'autre part, il ne donne aucune information sur la dynamique des écosystèmes et de la biosphère. Or cette dynamique est une information importante si l'on veut suivre l'effet des mesures politiques de conservation de biodiversité. Cet indicateur ne change de valeur que lorsque des espèces s'éteignent et ne donne donc pas d'information sur la santé des populations ou des espèces. Il alerte du danger quand il est déjà trop tard.



3 L'abondance d'espèces indicatrices

Dans certains cas, l'abondance d'une espèce peut constituer un bon indicateur de l'état de santé d'un écosystème. On distingue plusieurs type d'espèces indicatrices.

Les espèces ingénieurs sont des espèces qui modifient profondément leur milieu de vie, et dont l'activité est essentielle à un certain nombre d'autres espèces. C'est par exemple le castor, qui modifie les cours d'eau par la construction de barrages, ou le vers de terre qui, en fouissant, permet d'aérer la terre et d'accélérer le recyclage des nutriments.

Les espèces parapluie qui sont nécessaires à la survie de l'écosystème. Il est par exemple suggéré que l'existence des saumons dans les zones de frayage soutient l'ensemble de l'écosystème. La disparition du saumon signerait donc la disparition de l'écosystème dans son ensemble. Les espèces clef de voûte qui ont une action régulatrice de l'écosystème grâce aux multiples relations trophiques qu'elles entretiennent avec les espèces de l'écosystème. Les espèces clef de voûte sont par exemple les grands prédateurs (au niveau desquels convergent tous les flux de matière et d'énergie) ou les étoiles de mer dans les écosystèmes marins.

La santé de ces espèces peut constituer un indicateur de la santé de l'écosystème notamment en terme d'interaction entre les espèces. Certains pensent que les mesures de protections devraient s'appliquer prioritairement à ce type d'espèce.

Les espèces indicatrices peuvent aussi être des espèces dont l'abondance reflète la santé de l'écosystème sans pour autant jouer un rôle clé dans son fonctionnement. Ces espèces sont indirectement sensibles aux relations interspécifiques. C'est par exemple le cas des lichens ou de certaines algues.

Utiliser les espèces indicatrices comme indicateur de la biodiversité pose plusieurs problèmes. Les espèces indicatrices peuvent faire office d'alarme permettant de détecter que le système subit de grandes perturbations mais ne permet pas de cibler la cause. Utiliser l'abondance d'une seule espèce pour caractériser l'état d'un système aussi complexe qu'un écosystème est simpliste et finalement très peu informatif.

Deuxièmement, le problème se pose de la manière dont on peut faire la part des choses entre variation d'abondance due à une cause exogène menaçant la biodiversité de l'écosystème et variations purement stochastiques.

Troisièmement, les espèces indicatrices sont spécifiques d'un certain type d'écosystème. Elles sont donc utiles pour des gestionnaires locaux qui souhaitent surveiller l'état de santé d'un écosystème mais ne permettent pas de faire des comparaisons entre écosystèmes.



4 La taille de la population humaine

Du fait de l'action centrale des hommes sur la biodiversité, certains ont proposé de prendre la taille de la population humaine comme indicateur de biodiversité. Cependant ce critère est très discutable. Une bonne raison est tout d'abord que l'action de l'homme est grandement fonction de la technologie. D'un autre coté, la croissance de la population humaine est directement liée aux améliorations des techniques et aux progrès de la science. L'homme peut avoir des effets opposés sur la diversité biologique selon le contexte.



5 Les indicateurs composites

La discussion sur les indices présentés précédemment montre que les indicateurs à paramètre unique ne sont pas du tout suffisant pour décrire la biodiversité car ils ne fournissent qu'une vue partielle de la diversité. C'est pourquoi, des indicateurs composites prenant en compte différents paramètres ont été mis au point. Nous allons en voir deux ici, l'indicateur de Simpson et celui de Shannon.

L'indicateur de Shanon :

L'indicateur de Shannon se définit comme Sh=S -pi.ln(pi) ou les (pi) sont les fréquences observées des espèces. Cet indicateur est un indicateur de l'équitabilité. Il prend une valeur maximale pour les pi tous égaux à 1/n avec n le nombre d'espèces. Cet indicateur est donc complémentaire de la richesse spécifique puisque à eux deux ils décrivent les deux composantes de la diversité.

L'indicateur de Simpson :

L'indicateur de Simpson se définit comme S=1-S pi² ou les (pi) sont les fréquences observées des espèces. On peut l'interpréter comme la probabilité que deux individus pris au hasard parmi la population soient d'espèces différentes. Cet indice est d'autant plus grand que le nombre d'espèces est grand. Et pour un nombre fixé d'espèces, il est d'autant plus grand que la répartition des fréquences est équitable. Cet indicateur prend donc en compte les deux composantes de la diversité spécifique, ce que les autres ne faisaient pas. Il est donc plus informatif que les précédents bien que d'appréhension moins directe. Autrement dit, il est plus précis mais moins éloquent.

Même si l'indicateur de Simpson permet de prendre en compte plus de dimensions de diversité, il présente des limites.

Tout d'abord, il ne prend pas en compte la diversité fonctionnelle au sein des écosystèmes. Toutes les espèces ont le même poids qu'elles soient centrales ou non. D'un autre coté, il est relativement impossible de mettre un poids précis, un nombre donc, sur une espèce. Est-ce le nombre de liens trophiques ? Faut-il pondérer ces liens par leur intensité – grandeurs très difficilement estimables- ?

Son deuxième défaut qui est le revers de la qualité : sa dépendance au nombre d'espèces fait qu'on ne peut comparer que des écosystèmes équivalents. Des écosystèmes aussi différents qu'une forêt tropicale, extrêmement riche en espèces, et une toundra, naturellement beaucoup plus pauvre, ne peuvent pas être comparés avec cet indice. Si on souhaite le faire, pour comparer leur « santé », il faudrait éventuellement normaliser l'indice par une valeur maximale estimée sur un écosystème du type étudié et considéré comme en parfaite santé.

Son troisième défaut est qu'il ne prend pas en compte la dynamique d'évolution du système, comme c'est le cas de la richesse spécifique.

Après avoir vu les indicateurs à paramètre unique et composites qui ont donc de degrés d'intégration divers, on va passer aux indicateurs d'interactions société-nature, encore plus intégrés, et ayant d'autant plus besoin d'être un bon moyen de communication qu'ils s'adressent à un public plus large. On va voir au travers d'exemples que ces indicateurs rencontrent des problèmes propres notamment d'agrégation de données, parfois très hétérogènes entre les sciences sociales et biologiques, mais aussi d'interprétation et de portée pédagogique selon comment ils sont construits.




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