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DOSSIERS DE
  BIODIVERSITÉ

1. Quelques exemples

L'Empreinte Ecologique (EF)

Créée par William Rees en 1992 puis développée par l'ONG Redefining Progress, L'EF n'évalue que les ressources renouvelables et cherche à faire le rapport entre les flux de ressources utilisés par l’homme et les capacités de renouvellement de celles-ci, par rapport à une référence unique, l'hectare bio-productif moyen, et pour un mode de consommation et une technologie donnée. Elle peut être subdivisée en six sous-classes d'EF (l'empreinte « terres cultivées », la « terres pâturées », la « forêt », la « zone de pêche » et l'empreinte « énergie ») , correspondant chacune aux besoins d'un pays, d'une population ou d'un individu dans ce domaine.

L'EF permet donc de calculer combien de Terres seraient nécessaires si l’ensemble de l’humanité consommait comme tel ou tel pays, tel ou tel individu, ce qui est très parlant, et permet donc des comparaisons à différentes échelles à partir des modes de consommation. Elle établit ainsi que chaque individu ne devrait pas consommer plus de 1,4 ha alors qu'un américain moyen en consomme 9,6 , un européen 4,5 , tandis qu'un indien est proche de 0,8.

L'EF a de gros défauts techniques, notamment le fait que l'énergie nucléaire est considérée comme une énergie fossile rejetant autant de CO2 que le pétrole, et le fait que la matrice de conversion permettant de calculer l'EF est opaque ( gardée secrète par l'entreprise possédant l'indicateur), mais ses qualités pédagogiques sans équivalent sur le marché des indicateurs ont fait oublier ses défauts conceptuels majeurs.

L’Indicateur de Capital Naturel (ICN) et l’Indicateur d’Intégrité de la Biodiversité (IIB).

L’ICN a été développé aux Pays-Bas et l’IIB en Afrique du Sud. Ces deux indicateurs ont pour objectif d’évaluer l’érosion absolue de la biodiversité, par rapport à un état pré-industriel, à partir de l’impact des activités humaines sur les habitats naturels. L'ICN évalue pour cela la qualité et la quantité des écosystèmes, quant à l'IBB il étudie l'impact des activités humaines sur des populations animales et végétales de référence, regroupées avec trois critères (taille, niche trophique, mode de reproduction) pour que toutes les espèces d'un groupe aient des réponses analogues aux pressions anthropiques. Sur avis d'expert, et à des échelles géographiques diverses, l'impact sur les différents groupes et selon des écosystèmes types ((forêts, savanes, prairies, zones humides et friches) est évalué puis généralisé pour estimer l'érosion de la biodiversité. Les deux indicateurs donnent un pourcentage correspondant à la portion de biodiversité restante par rapport au niveau de référence.

Ils offrent tous deux l’opportunité de souligner que les pays du nord ont depuis longtemps érodé la plus grande part de leurs ressources naturelles renouvelables et que les moyens mis en oeuvre pour le suivi et la conservation de la biodiversité sont proportionnels au taux d’érosion absolu. Par contre, ils posent implicitement tous deux le niveau pré-industriel comme désirable, ce qui socialement inacceptable et pose un problème pour son appropriation par les usagers potentiels.





2. Les indicateurs d’interactions utilisés dans le cadre de la comptabilité nationale

L'objectif de ces indicateurs est d'intégrer la valeur des biens naturels et de leur conservation dans la production nationale de richesse, ce que ne fait pas le PIB. On étudiera seulement un exemple assez significatif, l'épargne véritable, dont les critiques sont assez généralisables aux autres indicateurs utilisés pour la comptabilité nationale.

L'épargne véritable (EV)

Elle a pour objectif d’évaluer l’évolution des capitaux humain, physique et naturel utiles à la société.

EV = Formation Brute de Capital Fixe (FBCF) + dépense d’éducation + dépense de santé – dette extérieure – dépréciation du capital physique – épuisement des ressources énergétiques – épuisement des ressources minérales – épuisement des forêts – dommages liés aux émissions de CO2. Un premier problème est qu'aucune estimation n’a pu être réalisée pour les services écosystémiques liés à la biodiversité. La dégradation des sols, la valeur de l’eau ou l’épuisement des pêcheries n’ont pas non plus été intégrés. De plus, ces résultats indiquent les pays en voie de développement (PED) comme mauvais gestionnaires de la biodiversité, avec une EV par habitant négative, contrairement aux pays développés. Or ceci n'est vrai que parce que les pays développés ont déjà érodé la majeure partie de leur biodiversité et parce que l'EV évacue le contexte économique et politique international qui encourage les PED à avoir des politiques non durables, les règles commerciales ne prenant pas suffisamment en compte les questions de développement et de conservation à l’échelle internationale. Enfin, un autre problème de fond vient de la substituabilité parfaite entre les trois formes de capital, posant ainsi qu'un développement pourra en effet être considéré comme durable si la diminution du capital naturel peut être entièrement compensée par un accroissement du capital physique.

Par opposition à ce défaut, on a créé le Capital Naturel Critique (CNC) fondé sur un principe de durabilité forte qui implique qu’une part de la nature n’est pas substituable par du capital physique. Il correspond à l’ensemble des fonctions écologiques indispensables au développement et au maintien de la qualité de vie sur Terre, nécessitant l'étude de l'utilité des écosystèmes pour la santé humaine (physique et psychologique), des pressions socio-économiques que le capital naturel subit, et des standards de soutenabilité qu'il est nécessaire de respecter. Mais le CNC renvoie en fait plus à une méthode qu'à un indicateur, car il n'y a pas de règles d'agrégation des données, pas de valeurs finales, ni même de variables bien établies. Cependant il souligne le concept de service écosystèmique.





3. Les services écosystémiques et le Millenium Ecosystem Assessment

L'échec de différentes expériences cherchant à recréer des écosystèmes artificiels a montré que l'homme est pour l’instant incapable de recréer la complexité des interactions écosystémiques qui sont à la base de la dynamique du vivant ; l’hypothèse de substituabilité parfaite entre le capital naturel et le capital physique, défendue par certains économistes, est donc intenable. C’est pourquoi, plutôt que de chercher à créer des écosystèmes artificiels, il vaut mieux chercher à comprendre leur fonctionnement et les interdépendances qui existent avec le bien être humain. On peut par exemple citer la catastrophe écologique de la mer Aral, qui par rétroaction a créé une catastrophe humaine aussi grande, montrant que dans ce cas, la biodiversité, les services écosystémiques et le bien-être humain se sont éteints de manière synchronisée.

C’est pour mieux comprendre ces interdépendances que le Millenium Ecosystem Assessment a été lancé par Kofi Annan en juin 2001. Composé de 1 360 scientifiques issus de 95 pays et d’un conseil indépendant de 80 personnes chargées de valider les résultats du programme, son objectif est de donner des informations aux gouvernements, ONG, scientifiques et citoyens sur les changements écosystémiques et leurs conséquences sur le bien-être humain (MEA, 2003 ; figure ci-dessous). Il a duré 4 ans et représente à ce titre le premier programme à large échelle ayant pour objectif d’intégrer les enjeux économiques, écologiques et sociaux de la conservation de la biodiversité. Le MEA a fait le bilan de l’évolution des services écologiques, reliée aux conditions de vie et de bien être humain, au cours des cinquante dernières années. Les seuls services qui ont augmenté sont les services de prélèvement (la production mondiale de nourriture a doublé, la production de pâte à papier a triplé, l'usage de l'eau a doublé...), mais dans l'ensemble 60% des services se sont détériorés et les risques liés à cette érosion sont principalement supportés par les PED.

schéma biodiversité

Liens entre biodiversité, services écologiques, facteurs de changement et bien-être. (MEA, 2005)

Liens entre biodiversité, services écologiques, facteurs de changement et bien-être. (MEA, 2005) Le MEA a ensuite donné 4 scénarii d'évolution mondiale, illustrant les risques futurs encourus, construits à partir de la mise en commun d’opinions d’experts concernant les « futurs possibles » des écosystèmes, des services écologiques et du bien-être humain. Sans les détailler, ces scénarii sont principalement basés sur la mondialisation ( régionalisation ou globalisation) et la gestion (proactive ou réactive) des écosystèmes. Ils prédisent les l'amélioration ou la détérioration (en %) des services écosystèmiques pour les PED et les pays OCDE, ainsi que les évolutions sociales générales, comme la croissance économique et démographique. Ainsi cette sorte d'indicateur géant très intégré évalue les conséquences, pour la biodiversité et le bien être humain, de différentes ligne de conduites politiques.

Toutefois, il manque cruellement de données quantitatives et n'a pas réussi, à cause du manque de dynamisme de certains sous programmes, à rassembler assez d'informations pour tenir un discours sur des échelles réduites. Il est donc contraint à un discours presque uniquement global alors qu'il prévoyait une dimension multi-échelle.





4. Les indicateurs de gestion des interactions société-nature

Indicateurs pression-état-réponse (PER).

Créés par l'OCDE dans les années 90 les indicateurs Pression-État-Réponse (PER) permettent d’évaluer les pressions que les activités humaines génèrent sur l’état de la biodiversité et d’identifier les réponses sociales qui permettront de compenser les effets négatifs des pressions.

schéma2 biodiversité

Indicateurs PER. Source OCDE (2001)

Ils ont inspiré de nombreux autres indicateurs du même type comme les indicateurs « force motrice-pression-état-impact-réponse » de l’Agence Européenne de l’Environnement (EEA 2003) ou les « usage-pression-état-réponse ». Leur succès vient su fait qu'ils sont intuitifs, pédagogiques et sont relativement intégrés puisqu'ils essaient de décrire les interactions société-nature à plusieurs niveaux tout en laissant visible la contribution de chacun de ses éléments, évitant ainsi les problèmes liés à l'agrégation de plusieurs données difficiles à comparer.

Pour autant ces avantages amènent certains problèmes, d'abord ils laissent penser que les relations entre société et nature sont linéaires et réduisent ainsi la complexité de ces interactions. D'autres part, les aspects dynamiques, venant des pressions et des réponses sont uniquement d'origine anthropique et les aspects dynamiques de la biodiversité, notamment son adaptation aux pressions ne sont pas prises en compte.

Enfin, leur dimension pédagogique est limitée en deux points. D'abord ils ne laissent pas de place à la diversité des points de vue concernant la biodiversité, qui peut être jugée différemment selon les acteurs et les contextes. Par exemple, certaines dynamiques d'enfrichement peuvent être considérées comme une pression ou comme un état de la biodiversité. Ensuite, les PER ne permettent pas de souligner les interdépendances qui existent entre les niveaux de bien-être et l’état de la biodiversité, pourtant une des approches les plus efficaces pour toucher le grand public, car le bien être de chaque individu dépend toujours directement ou indirectement de la biodiversité.

Indicateur d’éco-efficience (EE)

Aussi créé par l'OCDE en 1998, cet indicateur a pour objectif de mesurer l’intensité de matière utilisée – en équivalent énergie – par unité de service ou de bien produit – en équivalent monétaire. EE=V/RC avec V la valeur du produit et RC les ressources consommées pour le produire.

On a donc une mesure de l'efficacité avec laquelle sont utilisées des ressources qui permet de comparer des filières, des produits ou des techniques, ceci pouvant être fait au niveau de l'entreprise ou du pays, pour déterminer les voies portant le moins préjudice à l'environnement. Ainsi des innovations et l'utilisation de techniques moins polluantes permettraient d'atteindre un PIB “durable”.

Un problème est que l'on vise une consommation moins intense pour la production et pas une consommation plus faible en valeur absolue. En effet, les effets positifs liés aux baisses de pollution et de prélèvement par unité de marchandise peuvent être annihilés par l’augmentation du nombre d’unités produites. On nomme ce phénomène « l’effet rebond », qui est confirmé par les faits. De plus, on voit bien que l’EE peut augmenter sans que notre consommation ne diminue si V augmente. Par exemple, à l'échelle nationale, le développement de marché moins “matériels” comme ceux des technologies de l'information augmentent beaucoup V et peu RC, l'éco-efficience peut donc s'améliorer sans que l'on ne réduise notre impact sur l'environnement, on retrouve le problème de la substituabilité du capital physique au capital naturel présent dans la plupart des indicateurs sur la comptabilité nationale.

Après ces nombreux exemples, on discerne qu’à travers leur grande diversité les indicateurs, qu'ils ciblent la biodiversité ou son interaction avec la société, sont difficiles à créer de manière à ce qu'ils soient à la fois rigoureux et de bons vecteurs d'information. Pourtant, on peut déterminer les questionnements pertinents à se poser pour construire un indicateur pertinent et efficace dans son contexte d'utilisation




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